BONNE RETRAITE MONSIEUR A. BOULY

     Le 27 juin 2008, la communauté éducative de Nazareth a honoré le départ à la retraite de André Bouly professeur de lettres classiques au lycée depuis 1976 .

     Ci-joints à la manière de La Bruyère , son portrait esquissé par sa collègue A CH Thuilliez, puis le chant de la chorale des profs sur l’air des petits pains au chocolat de J. Dassin puis le testament pédagogique de André Bouly . A cette occasion des cadeaux lui ont été remis dont la table qu’il avait squattée pendant quelques lustres .

     A André, le 27 juin.

     Faire des discours après ceux que tu fis, avec humour à d’autres collègues déjà partis, relevait du défi. Aussi avons-nous choisi d’autres genres, ici. Nous t’avons organisé un programme léger parce que c’est la fin de l’année, en trois parties, selon les canons et dans lequel nous te mettrons à contribution. Pour moi, qui ouvre ce parcours du retraitant, j’ai seulement composé un catalogue léger où l’on retrouvera quelques traits de ta personnalité.

  • 1er article : André et le langage. André raffole des mots Il se damnerait pour un bon mot. Il est taquin, il le profile. Il vous le lance, en spadassin. Touché…….il jubile ! Il n’est pas rare que le latin ajoute de l’eau à son moulin « In vino veritas » disait :" La vérité dans la marmite". 

  • Second article : André et l’autre, il le contourne, il l’examine, il met les formes, il l’assassine. C’est le meilleur de toute façon. A coup d’esprit et dérision, il finit toujours par avoir raison. Discret, présent, il l’est de loin, du haut de son mètre quatre vingt. Il se penche sur nous, pauvres mortels et donne toujours le coup de main fraternel

  • Troisième article : André et les sentiments. On pourrait le croire pur esprit, mais pas du tout, c’est un sentimental. Au lycée, il a une table avec laquelle il entretient de véritables liens. Quand il s’absente, on la lui vole avec délice, ça nous console. Mais lui, narquois, naturellement il la reprend pour notre tourment 

  • Quatrième article : André et la suite. Plus compétent, il n’y en a pas, il y en aura, mais pas comme toi. Quelle place, tu pris, André Bouly ce sont plusieurs générations de religieuses, d’élèves Qui par mon truchement t’adressent une ovation, et te dédient une chanson "A notre ami Bouly…" (sur l’air de Le Petit pain au chocolat de Joe Dassin)

     C'est alors au tour de chorale d'interpréter sa chanson :

Tous les matins il arrivait 
A sa table il s’installait 
La la la la 
La cafetière lui souriait 
Et vers elle il accourait 
La la la la 
Et pourtant tous ses collègues 
L’attendaient tous en haleine 
Il faut dir(e) qu’elle était 
Toujours très croustillante 
Sa remarque du matin 
Et caustique et sarcastique 
Il guettait amusé 
Le p’tit effet qu’il f’rait  

Tous les midis à la cantine 
Sur le vin il se ruait 
La la la la 
Même si c’n’était que d’la bibine 
Il ne pouvait s’en passer 
La la la la 
Nostalgique il pensera à 
Amsterdam Rome et Paname 
Au théâtre aussi 
Qui lui tenait tant à cœur 
Et faisait son bonheur 
En fin d’année il regrett’ra 
Le pudding bien trempé 
Du repas arrosé

Comme un gamin dans les bateaux 
A Bell’waerde il s’éclatait 
La la la la 
Un tour encore il réclamait 
Trempés tous on riait 
La la la la 
Malgré ça comme délégué 
Il défendait toutes nos idées 
Toutes les questions qu’elles soient 
Gênantes ou pas
 il osait les poser 
Jubilant devant la patronne 
Dans ses petits chaussons 
Voyant qu’il a raison 

La la la la La la la la 
La la la la La la la la 
La la la la La la la la 
La la la la La la la la 
La la la la La la la la  
On te souhaite qu’elle soit belle 
Ta retraite avec ta Belle 
Et quand on y pense 
La vie est très bien faite
Il suffit de si peu 
D’une simple pair(e) de bottes 
Quelques arpents de terre
Et de belles randonnées 
La la la la…………………………… 

   Réponse d’André Bouly en 2 temps (d’après ses notes)

clic ici   pour voir et entendre le début de son intervention

     D’abord il s’est reconnu 3 défauts ; eh oui l’homme parfait n’existe pas , puis il évoqué sa carrière à la sauce latine .

3 défauts pour faire bref.

  • 1° ma naïveté : J’ai cru que la culture, c’était formidable. Que le latin-grec, c’était la panacée. Que les élèves apprenaient. Qu’il suffisait de travailler (2 anecdotes). Que le bon sens l’emporterait. Que l’éducation nationale évoluerait en une épreuve informatique par écrit.

  • 2° ma logique ou mon obsession logique a) impitoyable, la moindre faille b) exigeant avec les élèves c) sarcastique. Je ne change pas d’avis. Je suis du côté des imbéciles. Je n’aurais jamais pu faire une carrière politique.

  • 3° mon ordre, eh oui ! Je prévois trop, joueur d’échecs prévoir 10 coups d’avance, rien ne se passe comme prévu. Je suis obligé de compenser par un apparent désordre. C’est une source de stress totalement inutile. Je devrais, j’aurais dû m’inspirer de certains élèves voire de certains collègues. La conclusion s’impose : surtout, ne soyez pas comme moi. Réflexions entendues après son agrégation à Tourcoing « La plupart deviennent cinglés » « n‘ importe qui peut l’avoir puisque tu l’as », à celui-là je répondais « je ne t’ai jamais pris pour n’importe qui » « On peut avoir l’agrégation et être un bel imbécile », à cet imprudent, j’avais beau jeu de répondre  « en tout cas ça ne rend pas plus beau » que répondre……

     Plus sérieusement ,je remercie Mère Leverbe, Sœur Decencière, Sœur Bezault, Madame Caffin qui m’ont supporté ……….

     Je vais évoquer mes 40 ans de carrière à la sauce latine 

     Morturis nihil misi bene. Je suis arrivé ici il y a des lustres venant des contrées barbares, des territoires des belgi, je suis venu à Bononia, la Rome du Nord dit-on, n’y a-t-il pas 7 collines, la plus célèbre le Maquetranus sur laquelle est érigée la Villa Maquetrana, longtemps occupée par la gens Nazarethana, dynastie qui régna longtemps sur la dite colline. Comment se transmettait le pouvoir y a-t-il eu des révolutions de Palais, des intrigues des assassinats, des empoissonnements, des Agrippine ou des Messaline ; quel historien de l’Antiquité le dira ? Plus tard tout changea, on vit arriver à la tête Caius Maximus Caffinus qui s’était distinguée chez les Atrébates .Au lieu de défendre le territoire de la Villa comme un camp retranché, il fut envisagé d’annexer les contrées barbares qui nous entouraient et qui par de fréquentes incursions nous narguaient depuis trop longtemps, l’entreprise est en cours, malgré les réticences de quelques chevaliers Romains qui voulaient rester dans le camp et refusaient l’aventure des terres inconnues Quelques campagnes militaires seront nécessaires ?

     Quant à moi, je fus d’entrée jeté dans l’Arène ; bardé de diplômes, entraîné, averti, sermonné comme un mirmillon, je m’attendais à retrouver des lions des taureaux en furie, des panthères, à les combattre, à vaincre ou périr. Quelle ne fut pas ma surprise de me trouver devant des cohortes d’ânes et même de mules, pour eux aucun remède de cheval n’est possible, certes ils sont attachants mais ils n’avancent pas. Ce fut ensuite toute une ménagerie aussi diverse que surprenante :  beaucoup de couleuvres impossible à réveiller, quelques vipères à éviter, des singes qui vous épient en quête d’imitation, des veaux qui vous regardent sans comprendre, des moutons qui vous suivent sans réfléchir, des aigles parfois sillonnent le ciel,
nous assistons à des métamorphoses : des vers deviennent papillons, des colombes des pies jacassantes .
De gladiateur, je me transformais en palefrenier, en gardien de zoo, ce n’était plus le Colisée, mais la Domus Aurea. 

     Le théâtre fut un autre lieu d’exercice, je compris assez vite que chaque classe était un théâtre, certains se déguisent portent une blouse mais à force de grimaces de gestes, d’intonations, nous cherchons l’attention d’un public distrait. Certains jouent toujours la même pièce, d’autres renouvellent leur répertoire ou du moins essaient. Je compris aussi que nous étions au cirque. Monté sur notre char, l’estrade, nous essayons d’emballer nos chevaux, la course dure à peine une heure, nous tournons en rond, il y a parfois des accidents ,des accrochages, des cris, des vociférations, des blessures, mais c’est la course et tous les ans ça recommence.

     Après avoir connu les agitations romaines, je quitte la Villa Maquétra et comme Horace, je rejoins ma Villa Rusticana et comme César ou à peu prés, j’aurais voulu dire « Veni,Vidi,Vici » , ce sera plutôt la phrase du philosophe « Veni,vidi,Visci » et alors « mortuis nihil nisi bene »

     Epitaphe (je vous le traduis à peu près) Ci gît un professeur de lettres. Il a fait ce qu’il a pu. Il a enseigné ce qu’il ne savait pas trop. Il ne savait pas trop ce qu’il enseignait. Savait-il enseigner ?. Allez savoir ?

     Testament. Je lègue des tombereaux de spécimens à la déchetterie. Je lègue ma place prés de la fenêtre dans la salle des profs au plus méritant, s’il n’y en a pas, au plus téméraire

     Codicille. Je n’exige pas que l’on mette sur la table une plaque de cuivre en souvenir.

     Valeste, portez-vous bien. L’orgie n’est pas terminée.

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